À travers le scénario d’une montée des eaux dans l’estuaire de la Loire en 2100, nous cherchons à explorer, par un exercice de fiction prospective, les comportements humains confrontés à la finitude et à la disparition potentielle de leurs lieux de vie. Idéaux, souvenirs, habitudes, mode de vie et d’organisation se retrouvent ainsi chamboulés... Cela engendre différentes visions de ce qu'« adaptation » signifie et implique sur les horizons d’actions.
Saint-Nazaire, le 27 septembre 2100,
En cette fin de matinée, Yvan Yvend, maire des Perles de l’Estuaire, a inauguré en grande pompe la dernière proposition de la commune pour célébrer la submersion à venir du territoire.
Pionnier de ce qu’on appelle désormais communément le tourisme de l’effondrement, le maire continue à faire en sorte d’attirer un maximum de touristes dans cette zone, qui ne sera bientôt plus accessible.
“Si nous souhaitons réussir à la fois le démantèlement des Perles et la transition vers les terres intérieures, il nous faut des moyens. Faire appel à la diaspora c’est gagnant-gagnant ! Ces personnes sont profondément touchées de pouvoir faire un dernier pèlerinage ici, et pour la commune ce sont des rentrées d’argent qui permettent de financer la transition.”
Au-delà de toutes les opérations citoyennes lancées et soutenues par la mairie pour documenter et mémoriser l’histoire des Perles de l’Estuaire, comme cette reconstitution en réalité virtuelle de la commune, Yvan Yvend ouvrait ce matin l’accès aux premiers sarcophages en plomb qui seront scellés à différents endroits du territoire, et dans lesquels toutes les citoyennes et tous les citoyens qui le souhaitent pourront venir laisser une trace de leur ADN. Concrètement, cela consiste à cracher dans un tube à essai, qui sera rangé avec des milliers d’autres au sein des différents sarcophages.
Ceux-ci sont pour l’instant ouverts aux seuls habitants des Pays de la Loire, mais la mairie prévoit d’en donner l’accès très rapidement à toutes celles et ceux qui le souhaitent. Nous avons d’ailleurs pu rencontrer Thomas, venu de Metz pour passer quelques jours de vacances aux Perles et afin d’y laisser sa trace : “j’ai vécu pendant 3 ans au Croisic il y a une dizaine d’années, et je n’arrive pas à me faire à l’idée que cette ville va disparaître. Je trouvais ça important de venir, par solidarité, et puis c’est sympa cette idée de laisser notre ADN ici, un coin où on a vécu”.
Un enthousiasme pour ce tourisme de l’effondrement qui n’est pas partagé par tout le monde, puisque plusieurs associations environnementales, telles que Green War, viennent de poursuivre en justice les Perles de l’Estuaire pour crime contre le climat.
Auteurs
Romain Fenouil
